Victoria : pour un plaisir rare...

Si la diversité des Cichlidés est importante dans le lac, ce n’est pas le cas dans nos bacs puisque seules quelques espèces sont commercialisées régulièrement ( Haplochromis " sp 44 ", H nubilus.) Elles ne proviennent pas toutes du lac lui-même mais aussi des lacs périphériques Edward, Kyoga.... La rareté des espèces commercialisées s’explique d’une part par l’absence de collecteurs sur place car les conditions politiques sont difficiles .D’autre part les spécimens sauvages arrivent souvent très affaiblis et parasités cela nécessite des soins particuliers . De plus dans les bacs de vente petits et surpeuplés du commerce les mâles perdent leur belle coloration ,ce qui leur retire l’attrait des clients potentiels et à terme des commerçants. Enfin la littérature aquariophile a tendance à les ignorer. C’est dommage car ils sont tout à fait dignes d’intérêt.
Mais d’abord quelques notions générales sur ce grand lac d’eau douce du centre de l’Afrique orientale qui abrite de petites merveilles.
L’explorateur britannique John Speke fut le premier Européen à découvrir le lac, en 1858 ( La reine du Royaume-Uni était alors Victoria d’où l’origine du nom. Il se partage entre l’Ouganda (La moitié du lac Victoria se situe en Ouganda),le Kenya et la Tanzanie. Sa superficie est de 69 482 km2, ce qui en fait le plus grand lac d’Afrique et le quatrième du monde .Le lac Victoria occupe une vaste cuvette peu profonde de 400 km du Nord au Sud sur 320 km d’Est en Ouest. Il est situé à une altitude de 1 151 m au-dessus du niveau de la mer et sa profondeur maximale connue est de 82 m. Il alimente le Nil, et a pour principal affluent la Kagera, la plus lointaine source du Nil. Il draine au total une aire de 238 000 km2. Le lac est au cœur d’une région très peuplée, ayant la pêche pour principale industrie. Ainsi la prise annuelle de poissons en Tanzanie s’élève à 345 000 tonnes, dont plus des trois quarts proviennent des lacs, notamment du lac Victoria. Des navires traversent le lac Victoria et assurent des liaisons entre les ports kenyans , tanzaniens et ougandais..
La qualité physico-chimique des eaux est la suivante : pH de 6,9 à 9 - Conductivité : 145 micro siemens/cm. Température de 21 à 29°. Dans ce lac il y a plusieurs centaines d’espèces endémiques de Cichlidés qui ont évolué (en forme et en couleur) à partir d’un ancêtre commun il y a peu de temps à l’échelle géologique puisqu’il aurait été à sec il y a environ 12 000 ans. Ces cichlidés sont donc beaucoup plus proches les uns des autres que ceux des lacs Tanganyika ou Malawi beaucoup plus anciens. Actuellement l’ichtyofaune de ce lac est en péril pour plusieurs raisons : le déboisement des rives provoque un phénomène bien connu les terres déboisées sont lessivées par les grandes pluies et la boue se disperse dans le lac provoquant une turbidité de l’eau. Cette faible visibilité de l’eau semblerait perturber la reconnaissance des mâles des diverses espèces. Par ailleurs un problème démographique, la surpopulation des rivages entraîne un surplus de matières organiques déversé directement dans le lac favorisant la prolifération des Eichhornia crassipes, jacinthes d’eau (plantes flottantes originaires d’Amérique du Sud introduites en Afrique où elles pullulent modifiant sensiblement le milieu). Ces plantes arrêtent la lumière ce qui entraîne la disparition des plantes aquatiques oxygénantes et des algues. Ceci s’ajoute à une autre introduction intempestive celle de la Perche du Nil (Lates niloticus) grand prédateur à croissance rapide qui, a provoqué la disparition d’un grand nombre d’espèces de pleine eau et de quelques espèces pétricoles.

A l’intérieur d’une zone restreinte du lac, on rencontre des espèces différentes en corrélation avec le substrat, la végétation. On recense divers groupes et sous-groupes trophiques : piscivores, insectivores, phytophages, molluscivores, racleurs d’algues... La plupart des espèces commercialisées mesurent environ dix à douze centimètres et beaucoup d’entre elles font partie des Mbipi qui peuvent être considérés comme les cousins des Mbunas du Malawi (car ils ont adopté le même mode alimentaire : racler les algues qui poussent sur les rochers), la plupart ont un comportement de Mbuna " moyen " ni trop calme ni trop agressif.
Attention quand vous vous procurez des espèces du Victo de ne pas les prendre n’importe où car les espèces sont très proches, les femelles souvent semblables et les risques d’hybridation réels. Sinon ces poissons une fois acclimatés se révèlent assez solides et leur maintenance peut se faire dans les conditions d’un bac Malawi en assurant également des changements d’eau réguliers.
Voici quelques exemples de population :
Dans un bac de 120 à 150 litres , il est possible de maintenir avec succès un mâle avec trois femelles de son espèce (H nubilus, H. "flame back " , H (Pundamilia nyererei), A aenocolor ( " Yellow belly ")en prévoyant quelques caches pour les femelles. Les plantes comme Anubias ou Microsorum peuvent être utilisées.
Dans un bac d’environ 200 à 300 litres correctement agencé, il est possible de maintenir avec succès deux voire trois espèces endémiques du lac mais attention au choix des espèces car de nombreuses femelles sont semblables d’où des risques importants d’hybridation. Personnellement j’ai eu des A. latifasciata avec des H. "thick skin" sans problème car les deux espèces ont des femelles très différentes. On peut également placer des loricariidés pour gérer les algues.
Dans un bac de 450 litres il est possible de maintenir plusieurs espèces très différentes (surtout les femelles) pour éviter les hybridations, en couples ou trios, comme Haplochromis sp. "Red Fire" (femelles grises), Paralabidochromis chilotes (une belle espèce allongée avec de grosses lèvres), Haplochromis sp. "Rock Kribensis" , A aenocolor ( " Yellow belly " ... En pratique, à une époque dans mes divers bacs j’optai pour un mélange de Cichlidés des lacs Malawi et Victoria basé sur le comportement des espèces et sur la complémentarité des couleurs. Ainsi par exemple les cichlidés du Victoria apportent le rouge qui est assez rare dans le Malawi.
Dans un bac de 300 à 500 litres , il est possible de maintenir avec succès des cichlidés du Victoria en communauté avec plusieurs espèces du Malawi : par exemple Labidochromis " sp Hongi " , Labidochromis " sp Perlmut ", avec P.nyererei, A.latifasciata. Si les roches présentes dans le bac permettent la possession de suffisamment de territoires pas de problèmes sérieux. A noter la plupart des cichlidés du Victoria ont un taux d’agressivité inférieur à celui des Mbunas.
Robert MARCEL
Bibliographie sommaire :Quelques ouvrages
Lake Victoria rock Cichlids: Cet ouvrage en anglais présente de nombreuses espèces de la partie Tanzanienne du Lac accompagnées de photos. L’auteur estOle Seehausen ; éditeur, Verduijn cichlids.
La Revue Française des Cichlidophiles:
Revue mensuelle accessible pour les membres de l’Association France Cichlidés. Des sujets sont régulièrement publiés sur des espèces maintenues par les adhérents. Le Cichlidé year book N° 1 à 6
Ces ouvrages annuels dont la parution est malheureusement terminée présentent de bons articles sur quelques espèces et certains groupes trophiques du bassin du lac Victoria. Edition cichlid press
Le grand livre des Cichlidés:
Un livre présentant les différentes espèces de cichlidés à travers le monde avec quelques pages consacrées au "Victo". Pour connaître la maintenance en aquarium.
Quelques articles dans la presse aquariophile : signés C. de Medeiros, J Thierry, O Berthelot, Y Fermon, P. burnel Par exemple
Aqua plaisir Un aperçu global du lac et des groupes trophiques par O. BERTHELOT et Y.FERMON N° 13.
Une introduction au Cichlidés du Victoria par P. BURNEL
Aquarium magazine N° 98,99,100,122,123,125....
Différentes photos d’espèces commercialisées dans la rubrique " les p’tits nouveaux "

Un tres bon reportage de plus robert!
Juste une question ces ouvrages saurait tu ou l'on peux se les procurer hors internet(je fais partie de ces gens qui ne sortent pas leur carte de credit sur le net)
En animalerie?

Merci,
Plusieurs disponibles auprès de l'AFC par exemple au cours d'une bourse régionale ou au cours d'un congrès annuel.
RM